« Nous sommes capables de produire 20 conteneurs par an »

« Nous sommes capables de produire 20 conteneurs par an »

17/12/2019
Merveille Saliboko
Merveille Saliboko
Communications Officer & Journalist in DR Congo

Accueillant la délégation du Fonds international pour le développement de l’agriculture, FIDA, à Lume, en territoire de Beni, le samedi 23 novembre 2019, le directeur-gérant de la coopérative Kawa Kanzururu a affirmé que la coopérative est capable de produire annuellement 20 conteneurs de café.

Il est bientôt 15 heures, ce samedi de novembre. Une fine pluie arrose Lume, en territoire de Beni, au Nord-Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo. C’est ici que se trouve le siège social de la coopérative Kawa Kanzururu. Ses membres cultivent l’arabica sur les flancs du mont Ruwenzori, sur une altitude allant jusqu’à 2 mille mètres.

Ce samedi-là, comme le ciel s’assombrit, l’on s’empresse de couvrir de bâches des quantités de café étalé sur des étagères. La délégation du FIDA est tellement attendue et la nervosité se lit sur les visages des agents quand les premières gouttes de pluie tombent.

« Ce que vous voyez ici, c’est grâce à Rikolto »

Puis soudain, coups de klaxon. Les vrombissements indiquent que les visiteurs arrivent. Lydie Kasonia, experte en chaine de valeur café arabica à l’antenne provinciale de Rikolto au Grand Nord-Kivu, présente le chef de la délégation : Ephraïm Balemba. Celui-ci présente à son tour les autres membres de la délégation. Outre les agents du FIDA, on voit dans la délégation l’inspecteur provincial de l’agriculture, pêche et élevage du Nord-Kivu, le secrétaire exécutif de la CONAPAC (la Confédération nationale des producteurs agricoles du Congo) et un député provincial élu du territoire de Beni.

L’inspecteur de l’agriculture, d’entrée de jeu, pose la question : « Comment travaillez-vous avec l’ONAPAC (Office national des produits agricoles du Congo) ? » Les gens se regardent, silencieux, pour chercher à comprendre le sens de cette question. En effet, dans l’entrepôt attenant au bureau de la coopérative, il y a la directrice adjointe de l’ONAPAC-Beni, Alphonsine Kaswera Sivyaleghana et une sixaine d’autres agents de cet office. Toute la semaine, ces agronomes ont travaillé, aux côtés de ceux de la coopérative et d’un expert en chaine de valeur café de Rikolto au Grand Nord-Kivu, Rafiki Ise Kalulu. Tout ce monde a attendu la délégation dans le balcon du bureau de la coopérative.

« Les relations sont au bon fixe », répond Roger Kasereka Tata wa Makolo, directeur-gérant de la coopérative Kawa Kanzururu. Et ce dernier de poursuivre : « Ce que vous voyez ici, c’est grâce à Rikolto : la construction du bureau, la technique de traitement de café, la recherche des acheteurs autant que les créditeurs. »

Les deux défis de la coopérative

Puis Ephraïm du FIDA pose une série de questions techniques. Tout d’abord, il demande au gérant de parler des deux principaux défis auxquels fait face la coopérative, sans être plaintif. Et Roger se lance : « La fraude bat son plein dans la région. Les fraudeurs prennent l’argent en Ouganda, viennent donner ce cash aux producteurs alors que leur café commence à fleurir, en contrepartie de leur droit de récolter. De cette façon, les fraudeurs récupèrent une quantité importante de café d’une valeur largement au-dessus de l’argent donné aux caféiculteurs qui restent ainsi pauvres. Deuxième défi, c’est l’accès au crédit. Les banques congolaises ne donnent pas de crédit aux petits producteurs. La seule institution financière congolaise avec laquelle nous avons travaillé, c’est la Coopérative d’épargne et de crédit Le Grenier, basée à Butembo, avec la facilitation de Rikolto ».

Questions-réponses

Alors, question d’Ephraïm : « Combien produisez-vous pour l’instant ? » *Réponse de Roger : *« Nous comptons produire au moins 4 conteneurs au cours de cette saison ». « Quelle est la quantité que vous êtes en mesure de produire si les conditions sont réunies ? », enchaîne Ephraïm. « Nous sommes capables de produire 20 conteneurs de café marchand K3 par an », répond Roger. « Quelle est l’estimation de la production de toute la zone de Ruwenzori ? », relance Ephraïm. « 30-35 conteneurs », dixit Roger. « C’est plus de 40 conteneurs », insiste la vice-présidente de la coopérative, Betty Kyakimwa Muvunga. Ephraïm rebondit avec une autre question : « Combien d’argent il faut pour produire un conteneur de café vert K3 de spécialité ? » « Autour de 70 mille dollars américains », répond Roger. « Donc, si vous avez un million quatre cent mille dollars américains, vous allez atteindre l’objectif des 20 conteneurs ? » Un grand « oui » sort instantanément. Dernière question d’Ephraïm : « Etes-vous en mesure de rembourser, avec ou sans intérêt ? » Un autre « oui ».

Au cours du dernier trimestre 2016, Kawa Kanzururu a pris un crédit de 20 mille dollars américains à la Coopérative d’épargne et de crédit agropastoral Le Grenier. Cet argent avait servi pour collecter le café des membres lors de la saison. Une fois le café vendu, le crédit a été remboursé en février 2017, avec tous les intérêts. Surtout, il a été remboursé avant échéance. Ce qui avait surpris positivement l’institution financière basée à Butembo. Une première dans le secteur !

La route en avant est tracée

Le FIDA est le bailleur de fonds du Projet d’appui au secteur agricole au Nord-Kivu (PASA-NK). Dans ce projet, Rikolto est le lead pour le renforcement de la filière café. La délégation du FIDA est rentrée à Kinshasa et à Rome avec une compréhension claire du plus grand défi de tous : celui d’accéder à temps, en début de saison, au crédit de campagne, en quantité suffisante pour réaliser pleinement tout le potentiel des coopératives.

Rikolto est convaincu qu’en poursuivant sa réflexion avec le FIDA et en cherchant d’autres institutions financières partenaires, prêtes à expérimenter de nouvelles formules, il sera possible de révolutionner complètement la filière de café en arrêtant la fraude. Pour les producteurs familiaux, la caféiculture bien rémunérée deviendra le garant d’une vie décente, et l’Etat congolais – au lieu des contrebandiers – bénéficiera des efforts de ses citoyens-caféiculteurs.