La vallée de Kyatenga est d’une beauté resplendissante. Située entre le Lac Edouard et le Lac Albert, la rivière Semuliki, qui relie les deux lacs, longe la vallée et plusieurs de ses affluents la traversent. Les Monts de la Lune, troisième en altitude pour tout le continent (5.109 m) surplombe la vaste étendue, avec ses glaciers permanents souvent cachés derrière les nuages. On dirait le paradis.
Mais l’apparence trompe. Il y a 150 ans, la vallée était recouverte d’une dense forêt naturelle. Aujourd’hui il ne reste presque plus d’arbres. L’homme, dans sa conquête éternelle de l’espace pour abriter et nourrir son nombre toujours croissant, a fini par déboiser toute la vallée, comme il l‘avait fait avant à de nombreux autres endroits, y compris l’Europe de l’Ouest d’ailleurs.
Les effets se font sentir. Le changement climatique frappe dur. Les deux dernières années, toute la récolte de riz pluvial a été perdue suite à une sécheresse sévère. Pourtant ce n’est pas l’eau qui manque dans la région. Dans un Etat qui fonctionne, le gouvernement aurait fait aménager un système d’irrigation depuis bien longtemps dans cette région à vocation agricole par excellence. Pas au Congo. Nous essayons de réduire les dégâts en promouvant, en partenariat avec le WWF, l’agroforesterie sur 1.800 hectares de terres agricoles dans la plaine. Mais il faudrait faire plus.
Plante parasite
Comme si cela ne suffit pas, un autre fléau est venu frapper le riz. Avec les semences non-certifiées trouvées en Ouganda, des riziculteurs imprudents ont importé, il y a une dizaine d’années, sans le savoir, des graines de la plante parasite striga. Tout de suite après la germination, les racines des jeunes strigas s’enfoncent dans la racine d’une graminée (riz, maïs, sorgho, blé ou graminée sauvage) pour vivre au dépend de la plante hôte. Celle-ci s’épuise vite et n’arrive plus à produire. La récolte subit des pertes pouvant aller jusqu’à 100%, selon le degré d’infestation du champ.
Les producteurs, non familiers avec le phénomène, laissent souvent la fleur, qui est d’un mauve clair joli, dans les champs, ignorant les conséquences. Une seule plante peut produire jusqu’à 250.000 graines et celles-ci ont une durée de vie d’au moins 15 ans. Alors vous comprenez bien, une fois dans le champ, l’agriculteur est obligé d’abandonner la culture de toute graminée pour longtemps.
Pourtant il existe des stratégies de lutte. Un Etat responsable aurait sonné l’alerte depuis bien longtemps et aurait immédiatement mis en place un programme de lutte contre et de prévention du Striga. Pas au Congo. Ce n’est pourtant pas les compétences qui manquent. Anselme Vwambale, un jeune chercheur relié à l’Université Catholique du Graben, en a fait sa spécialisation. Il vient de sortir un rapport qui décrit bien la gravité de la situation.
FIDA ou FAO?
Dommage que VECO ne dispose pas de moyens suffisants pour lancer un programme d’envergure capable d’arrêter ce fléau. Raison pour laquelle nous en avons parlé avec ardeur, lors de la visite, au mois d’avril, d’une équipe du Fonds International pour le Développement Agricole – FIDA et encore, en cette fin du mois de mai, à la FAO, qui est venue se renseigner auprès de nous sur les priorités dans la filière riz, dans laquelle ils ont l’intention de s’engager.
Nous croisons les doigts pour qu’au moins une, et de préférence les deux grandes organisations internationales comprennent les enjeux et mobilisent les moyens pour sauver la belle vallée de Kyatenga et ses agricultrices et agriculteurs de la disparition.