Le lendemain, nous voici à Lemkuna, zone de Nyumba ya Mungu, district de Simanjiro, région de Manyara. C’est un hameau perdu dans cette région semi-aride du nord de la Tanzanie. Pour nous guider dans cet environnement plus ou moins hostile, Frida Tarimo : elle est en charge de l’élevage et de l’agriculture dans la zone de Nyumba ya Mungu.
Lemkuna est célèbre pour ses activités agricoles et son pastoralisme avec les deux côtés (agriculteurs et éleveurs) qui tirent profit des deux grandes activités économiques de la région. Il y a eu de nombreux rapports concernant les conflits sur l'eau et l'utilisation des terres pour les deux camps (agriculteurs et éleveurs) vivant dans le district de Simanjiro. Des conflits qui provoquent parfois des escarmouches.
Bien qu'il y ait d'autres villages qui, d'une manière ou d'une autre, participent aux conflits liés à la lutte pour l'utilisation de deux ressources naturelles comme l'utilisation des terres et l'eau, le cas est relativement différent dans le village de Lemkuna, qui se trouve dans le quartier de Ngorika. Il n'y a pas de lutte entre agriculteurs et éleveurs ici.
Le programme est l'un des bons exemples ayant beaucoup influé sur l'harmonisation de la paix des gens qui pratiquent le maraichage et le pastoralisme. Les villageois affirment avoir contribué à l'harmonisation de la paix. Cependant, on peut se poser la question de savoir comment le programme pouvait contribuer à harmoniser la stabilité de la paix entre les agriculteurs et les sociétés pastorales bien connues pour les différends sur l'utilisation des terres et des ressources en eau.
Stanley Msuya est agriculteur et éleveur. Il cultive le riz et élève 200 chèvres. Quand le projet commençait, il ne faisait que l’agriculture. Il décide alors de souscrire à une chèvre. Aujourd’hui, Stanley est président de Irrigators’ association of Lemkuna, une association regroupant 140 membres dont 42 agriculteurs. « Le semis commence en août. Le repiquage prend fin en novembre. Les retardataires n’auront pas droit à l’eau », déclare Stanley. L’eau est tirée du barrage hydroélectrique de Nyumba ya -Mungu. Un canal en béton amène l’eau jusqu’aux champs. Pour accroitre la surface cultivée, les agriculteurs ont allongé le canal de 90 mètres, sans béton. Ce qui bénéficie à une centaine d’agriculteurs d’oignons. Trois comités sont constitués au sein de l’association, dont celui s’occupant de l’irrigation.
Frida Tarimo révèle que cette harmonie n'a été rendue possible que grâce à un bon plan d'aménagement et de gestion des sols qui montre la démarcation des pâturages et des zones agricoles. « Le programme de formation comportait des éléments relatifs à l'aménagement du territoire et au plan de gestion qui ont été communiqués aux villageois pratiquant l'agriculture légumière et le pastoralisme. Avec la diffusion des connaissances, les éleveurs ont commencé à respecter les zones réservées à l'agriculture et autres activités communautaires. Même chose pour les agriculteurs », insiste-t-elle. Ce que corrobore Stanley Msuya en rappelant que les conflits s’enflamment avec les généralisations partant des cas particuliers : « Ici, si quelqu’un commet une faute, on le sanctionne individuellement. On ne cherche pas à faire porter le chapeau à toute sa communauté ».
Preuve de cette paix, Stanley va assister à la réunion d’Enapa group, une association constituée uniquement d’éleveurs avec des fonds participatifs. Ils s’octroient mutuellement du crédit dans le cadre de leur Vicoba, village community bank ou banque au village, l’équivalent de la mutuelle d’épargne et de crédit en RDC. Ce Vicoba est membre d’une Saccos. Ce groupe se réunit chaque mercredi, mais exceptionnellement, une réunion a été convoquée à notre arrivée. Sous un arbre. En demi-cercle. Au milieu, un coffre-fort contenant leurs épargnes fiduciaires. Des chevreaux viennent se joindre au groupe. Les membres d’Enapa group possèdent chacun des centaines de chèvres. Hommes et femmes. «Cela crée la stabilité financière, la paix et l'harmonie dans notre communauté et avec les voisins, dixit Elizabeth, une femme Masai. Avec les prêts, nous ne pouvons pas seulement gérer notre entreprise, mais aussi les utiliser pour saisir les nouvelles opportunités».