Covid-19 et inondations, ces aléas qui perturbent la riziculture à Kilomoni

Covid-19 et inondations, ces aléas qui perturbent la riziculture à Kilomoni

04/06/2020

À Kilomoni, dans le territoire d’Uvira, province du Sud-Kivu, Rikolto en RDCongo appuie les riziculteurs congolais dans la production de riz de qualité pour conquérir le marché du riz de table dans les villes de Bukavu et Uvira. Sur place, à Kilomoni, Covid-19 et inondations auront des conséquences sur la production.

Par Charles Kapunga, agronome affecté au bassin de Kilomoni.

En agriculture, la pluie est généralement le signe d’une bonne saison culturale. Contrairement à cette réalité, la ville d’Uvira et ses hinterlands ont connu plusieurs pluies au cours des récents mois. En temps normal, cette pluie aurait aidé à fertiliser le sol, en permettant une bonne assimilation des minéraux par les plantes. Cependant, toute cette quantité de pluie est venue avec un esprit dévastateur.

Difficultés liées à l’inondation

Ces pluies ont semé la désolation chez les riziculteurs que nous accompagnons. La majeure partie de ces riziculteurs ont perdu leurs cultures. Cela à la suite de l’averse. C’est le cas notamment des riziculteurs des blocs de Kabirizi, Katumbatumba, Mai ya moto. Mais, pour d’autres riziculteurs, la raison c’est la montée des eaux. À Kabirizi, Katumbatumba et Kiryama, la montée des eaux a rendu difficile les travaux champêtres. La crainte se lit sur les visages de plusieurs riziculteurs de ne pas avoir d’aussi bonnes récoltes que celles espérées en début de saison.

Vous avez certainement vu une photo devenue virale sur les réseaux sociaux : une photo montrant la douane congolaise de Kavimvira presque submergée par l’eau. Difficile, dans cet état de choses, pour l’agronome responsable du bassin d’atteindre les riziculteurs pour assurer leur accompagnement. Quand les eaux de pluie débordent des rivières, la route se dégrade. Bien plus, les ponts sont détruits. C’est le cas des ponts Mulongwe, Kavimvira, Kala et Rutemba sur la route nationale numéro 5. Les riziculteurs, de leur côté, du moins ceux qui sont plus audacieux, tombent avec leurs produits de récolte dans les eaux des rivières. La conséquence est sans appel : perte de qualité et baisse du prix du riz.

Se faire transporter à dos d’homme ou brancard

Avant la situation des inondations, notre équipe se levait tôt chaque matin pour rejoindre les membres des champs-écoles paysans et les adoptants dans leurs champs. Le déplacement nous prenait tout au plus une dizaine de minutes. À l’époque, la main d’œuvre locale était disponible. Au moment où je rédige ces lignes, je ne sais plus utiliser la moto de service pour nos déplacements car la plupart des ponts, petits ou grands, sont en délabrement très avancé. La route est coupée en deux en plusieurs endroits. Pour y faire face, nous recourons aux hommes du village pour nous transporter au dos, soit monter sur des branches d’arbres fabriqués en forme de brancard. Le tout, moyennant 2 à 3 mille francs congolais par individu.

Tous les quarante champs d’adoption de riz qui ont été semé au mois de janvier sont engloutis par les eaux de rivière. La situation est telle qu’on n’est plus en mesure de reconnaître les endroits travaillés. Ce qui porte à croire que, cette année, le déluge qui est passé par leurs champs aura des conséquences néfastes chez les riziculteurs.

En janvier et février derniers, nous arrivions à accompagner quotidiennement 30 à 35 riziculteurs. Aujourd’hui, et même si le coronavirus est venu s’y greffer, il nous est difficile de trouver 5 riziculteurs sur terrain, les dégâts causés par les inondations ont eu raison du moral de nombreux riziculteurs.

Il faut agir

Pendant cette période où toutes les énergies sont orientées vers la riposte sanitaire contre le Covid-19, les esprits éveillés et avertis ont tiré des leçons. Parmi celles-ci, la valorisation de la production locale pour mieux nourrir la population pendant cette période de confinement et après le Covid-19. C’est dans ce cadre que je demande aux autorités politico-administratives de bien vouloir mettre en œuvre le mécanisme pouvant conduire à la réhabilitation des routes de desserte agricole. La province du Sud-Kivu, connue comme le grenier agricole de la République démocratique du Congo dans le passé et principale productrice de riz, peut encore faire mieux si les autorités compétentes passent des discours aux actions concrètes. C’est le Congo qui gagne si le paysan est bien accompagné et sa production consommée dans les centres urbains car ayant été transportée sur des routes en bon état !