Début mai, Kawa Kanzururu a envoyé un container de café arabica à Walters Maters via Malongo. La cargaison, destinée à la Suisse, a traversé la frontière congolaise de Kasindi, territoire de Beni, en province du Nord-Kivu, le 2 mai. En pleine période de confinement dû au coronavirus, où les bureaux de l’Etat travaillaient au ralenti en République démocratique du Congo, comment s’est passé le processus et quelles ont été les principales contraintes ? Roger Tata Wa Makolo, directeur-gérant de cette coopérative, explique.
Covid-19 : Kawa Kanzururu face aux difficultés de livraison de café
Covid-19 : Kawa Kanzururu face aux difficultés de livraison de café
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez fait face pour exporter ce café ?
La première difficulté est liée au conditionnement. On avait du mal à trouver les sacs car on n’avait pas un stock conséquent d’emballages. On était confiant quant aux sacs à jutes. Mais pour les sacs Grainpro, on avait une insuffisance. Deux autres coopératives appuyées par Rikolto en RDCongo dans le cadre du programme PASA-NK nous ont dépannés en sacs Grainpro : Kawa Kabuya et COOPADE.
La deuxième difficulté est liée au paiement. Quand on nous paie, c’est en dollars, normalement. Mais, pour ce container, on a été obligé de recevoir l’argent en francs congolais car il n’y a pas assez de liquidités de devises étrangères à la banque. Seulement, la banque nous sert au taux qui est inférieur à celui qui est sur terrain, dans notre zone de travail. La première fois, la banque nous a servi à 1750 francs alors que le taux du terrain était à 1820 francs. Et quand elle nous sert aujourd’hui à 1820 francs congolais, le taux sur terrain est déjà à 1900 francs ! Ce taux bas de la banque ne nous facilite pas les affaires sur terrain, déjà que nos producteurs sont habitués au shilling ougandais.
Troisième difficulté, la question de la gestion de la main d’œuvre. Pour réunir un lot de café, il faut beaucoup de bras. Mais avec le corona et les mesures de distanciation sociale, nous avons du faire avec peu de gens. Ce qui avait deux conséquences. La première est que cela prenait beaucoup plus de temps que prévu pour réunir le lot et expédier le café. Si la préparation du container pouvait nous prendre 15 jours, à cause du corona il fallait au moins 25 jours. La deuxième conséquence, c’est que plus les jours de travail s’accumulent, plus il est difficile de respecter les plafonds budgétaires pour les dépenses liées au conditionnement du café.
Ce retard dans la livraison, il n’est pas sanctionné par les acheteurs ?
Par rapport à la date de livraison, ça ne nous a pas couté car l’acheteur est conscient des difficultés engendrées par la pandémie du corona. Et même quand le lot de café était prêt pour livraison, l’acheteur butait à l’indisponibilité du transitaire pour transporter cette marchandise.
Au vu de ce qui précède, comment voyez-vous l’avenir de la filière café ?
S’il y a problème au niveau de la chaine de valeur café, de la production à la consommation, il faut craindre le pire. Surtout si ça se passe au niveau du processus de torréfaction, presque à l’arrêt. Je vais donner un cas concret de Malongo. Cet acheteur nous a dit que l’activité de vente est en baisse car il n’y a pas de torréfaction. Sans production, il n’y a pas de vente. Si par exemple, cet acheteur pouvait anticiper sur les commandes de café vert de la grande saison, ça sera difficile d’avoir des idées claires. L’avenir s’annonce incertain. Si la torréfaction ne se fait pas normalement à cause de la pandémie, cela aura des répercussions sur les approvisionnements de ces acheteurs en café vert. Et si les choses évoluent comme ça, les prix risquent de chuter drastiquement à la bourse de New-York. Et si chute des prix il y a, les caféiculteurs risquent de se décourager car la culture ne sera plus rentable. Croisons les doigts pour que cela n’arrive pas.
Comment faites-vous pour collecter, traiter le café et vous assurer de la qualité dans les micro-stations de lavage ?
Aujourd’hui, au niveau de nos micro-stations, nous avons des communiqués. Nous avons également demandé à nos agronomes de passer un peu partout, comme nous sommes en pleine préparation de la certification. Ils passent dans le milieu en train de sensibiliser les caféiculteurs au respect des gestes-barrières. Pour les micro-stations en activité, nous comptons installer un système de lavage des mains en plus d’insister sur le respect des gestes-barrières.
Pourquoi certaines micro-stations ne sont pas en activité ? C’est à cause de corona ?
Pour cette petite récolte, seules 10 micro-stations sur les 24 sont en activité. Ce n’est pas à cause de la pandémie de coronavirus. C’est plutôt à cause de la production. Notre milieu de production est divisé en deux. La zone de Vusongora, c’est celle qui est en train de produire au cours de cette petite récolte. Cette zone va de Rugetsi à Thako. Ailleurs, il n’y a qu’une seule saison.