« Il faut louer les efforts de la CKK sur la voie de l’autonomisation »

« Il faut louer les efforts de la CKK sur la voie de l’autonomisation »

26/12/2019
Merveille Saliboko
Merveille Saliboko
Communications Officer & Journalist in DR Congo

En 2017, Cécile Sikuhimbire, notre comptable régionale, présentait son travail de fin de cycle en vue de l’obtention du diplôme de graduée en comptabilité à l’institut supérieur de commerce, ISC/Butembo. Dans son travail, Cécile planchait sur l’autonomisation de la coopérative Kawa Kabuya. Année fixée ? 2019 ! Où en est-on aujourd’hui, au dernier trimestre 2019 ? Interview.

Juillet 2017. Cécile fixe les conditions pour l’autonomisation de la coopérative. Elles vont de l’élaboration du plan d’affaires à la certification bio en passant par l’équipement et investissement dans les micro-stations de lavage de café en vue d’assurer la production en qualité et en quantité optimales. Pour Cécile, il faut éviter de créer plus de MSL non rentables. Sikuhimbire insiste sur la formation en leadership en vue d’établir des relations fortes avec les clients en négociant des contrats plus rémunérateurs et plus sécurisés. L’autonomie passe aussi par la libération des parts sociales par les membres, l’amélioration de la communication au niveau de la coopérative. Et comme Cécile a un langage financier, il faut amener chaque MSL à un niveau minimal de rentabilité, faute de quoi il faut la fermer. Entretien.

Pouvez-vous nous dire sur base de quoi vous avez fixé l’autonomisation de la CKK en 2019 ?

C’était sur base des analyses, avec des indicateurs clairs. J’avais évalué la rentabilité économique, le niveau de management et bien d’autres. Et pour chaque point, j’avais fait des recommandations.

Nous sommes au dernier trimestre 2019, est-ce que la CKK est sur le point d’être autonome ?

L’autonomie, c’est un processus. On ne peut pas dire qu’aujourd’hui, la CKK est réellement autonome. Tout comme on ne peut pas dire que la CKK n’est pas autonome. Parce que, parmi les conditions, il était demandé à Rikolto d’accompagner cette coopérative pendant deux ans en vue d’atteindre cet idéal. Ce qui devait être fait avec le financement de FIDA mais malheureusement le projet PASA NK n’avait pas commencé au moment attendu. Raison pour laquelle il n’y avait pas d’appui financier direct. Nous avons pu noter que la CKK collectait normalement les cerises des membres. D’autres appuis, puis directs, ont été réalisés par Rikolto pour aller dans ce sens.

Qu’est-ce qui a été fait par Rikolto ?

Beaucoup de choses. Je peux parler de la certification. Le processus de certification bio a démarré. Aujourd’hui, la certification de café practice est acquise, à la demande de l’un des acheteurs. Cet acheteur a même déjà signé des contrats avec la coopérative. Rikolto a aussi continué l’appui en termes d’amélioration de la qualité du café mais aussi sur le plan du management de la coopérative.

Qu’est-ce qui a été du coté du staff de la coopérative et du conseil d’administration ?

Ils ont compris le bien-fondé de cet idéal. Sur le plan de la quantité, par exemple, le chiffre a presque triplé. Dans notre analyse, nous avions proposé 5 conteneurs. Aujourd’hui, la coopérative est à plus de 10 conteneurs par an ! La motivation se situe à tous les niveaux. Les membres ont livré des grandes quantités de cerises à leur coopérative et c’est un point positif. Il y a aussi le dynamisme du personnel pour s’adapter aux normes de qualité et de gestion pour aider la coopérative à aller de l’avant.

Vous avez dit que la coopérative a fait des productions en quantité qui vont au-delà de vos espérances. Est-ce que la CKK est rentable aujourd’hui ?

C’est là qu’il y a le paradoxe. Pourquoi la quantité de café a augmenté, mais le bénéfice a chuté ? Je me pose encore cette question, au point d’envisager de mener des analyses économiques approfondies. Est-ce que les coûts fixes ont changé ? Peut-être qu’ils ont augmenté les salaires des agents, permanents et/ou saisonniers. On n’a pas encore de données suffisantes pour tirer une conclusion. On doit aussi passer dans les micro-stations de lavage de café pour analyser les coûts, les charges afin de comprendre pourquoi les bénéfices n’ont pas suivi l’augmentation de la quantité de café produit.

La quantité a augmenté, mais la qualité n’a pas suivi…

Ils ont eu beaucoup de soucis avec les acheteurs, sur le plan de la qualité. La coopérative Kawa Kabuya n’a pas maintenu la qualité. Alors qu’il faut être dans une logique d’augmentation constante de la qualité du café pour gagner encore plus.

Qu’est-ce qui n’a pas été fait tant par Rikolto que le staff de la coopérative ?

Il y a le respect de certaines recommandations. Je peux par exemple pointer le nombre de MSL. C’est en vertu du principe de rentabilité des MSL. Mais la CKK a augmenté le nombre de ces MSL, sans forcément tenir compte de la rentabilité. Beaucoup de MSL non-rentables existent encore chez CKK. Aussi, chaque section doit avoir un nombre suffisant de membres. Coté Rikolto, il fallait augmenter le nombre des machines. Sur ce point, le manque d’investissement est duu au retard affiché dans le démarrage du programme PASA NK. Et malgré cela, Rikolto a facilité les contacts avec les clients. Malheureusement, la qualité n’était pas toujours au rendez-vous.

Au vu de la situation actuelle, vous pensez que l’autonomisation viendra quand ?

Je pense que l’on doit d’abord louer leurs efforts. La coopérative a fait deux ans sans appuis directs pour le fonctionnement général comme le paiement du personnel. Mais, le staff était régulièrement payé sans notre appui. Ce qui me fait dire que l’on est dans la bonne direction. Pour ce qui est de la question de l’autonomisation, je crois qu’il nous faut mener des études approfondies pour fixer l’année où nous estimons que l’autonomisation sera effective. Il y a des efforts à louer : payer le personnel et supporter les frais de fonctionnement.

Que faudrait-il faire pour atteindre cet idéal ?

Respect des normes de qualité, au-delà de la quantité minimum à atteindre. Aussi, les organes de la coopérative doivent jouer convenablement leur rôle et rester à leur place, sans étouffer le personnel. Il est ici question pour les membres du conseil d’administration de faire ce qu’on attend d’eux, selon les textes qui régissent cette coopérative. Il y a aussi la capacitation des agents. Ces derniers doivent se mettre à l’esprit que la CKK n’est pas une ONG, que c’est plutôt une entreprise et qu’il faut respecter les procédures de gestion des fonds. Au niveau de Rikolto, l’appui doit continuer. Même si Rikolto ne va pas peut-être pas payer le personnel de la coopérative car elle a prouvé qu’elle peut elle-même le faire. L’appui de Rikolto devra se focaliser à la capacitation du personnel, un appui technique quoi. Je salue ici la mise en place d’un laboratoire pour permettre à la coopérative de connaitre d’avance la qualité du café qu’elle propose aux différents acheteurs.

À vous entendre parler, la CKK sera autonome avant la fin du programme PASA NK. Qu’est-ce qui va se passer une fois l’autonomie atteinte ?

L’autonomie a commencé. La coopérative a commencé à vivre sans notre appui. Elle a prouvé cela, pendant deux ans. Le projet PASA NK va permettre à la CKK d’être une coopérative robuste, assez forte pour faire face à la concurrence. Surtout, la coopérative va répondre aux exigences de ses clients et autres partenaires. C’est dans ce sens que l’appui de Rikolto, à travers PASA NK, est indispensable. Pour renforcer les acquis. Même après l’autonomie, le partenariat avec Rikolto aura encore sa place car l’autonomie ne signifie pas fin du partenariat.