La pépinière de café, du business !

La pépinière de café, du business !

11/02/2017
Merveille Saliboko
Merveille Saliboko
Communications Officer & Journalist in DR Congo

Dorénavant un pépiniériste peut en faire son métier en République Démocratique du Congo. Les indicateurs montrent une tendance montante de la bourse de New York pour le café arabica. Il s’observe un nouvel intérêt pour l’arabica congolais par les grands acheteurs. L’approche commerciale mise en œuvre par VECO-RDCongo basée sur l’excellente qualité du café arabica que les acheteurs internationaux s’arrachent au prix élevé. Tout le monde y gagne.

Premier mercredi de février 2017, dans la tente de l’espérance, au campus de l’université chrétienne bilingue au Congo, UCBC, en ville de Beni, province du Nord-Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo. VECO RDCongo tient son premier side-event en marge de la semaine pour la promotion de l’agribusiness, organisée en ce lieu.

« Le contexte actuel est favorable », dixit Ivan Godfroid, directeur régional de VECO RDCongo. « La tendance montante de la bourse de New York pour le café arabica offre un meilleur prix, incitant les gens à revenir à la culture du café. L’approche commerciale (par VECO) a comme point particulier de prouver que le café arabica du Congo est un café d’excellence et qui peut obtenir un prix beaucoup plus élevé que celui de la bourse de New York. On constate que cette approche induit l’amélioration du revenu des coopérateurs qui voient leurs revenus doubler ou tripler selon le niveau de mise à échelle . »

Un contexte international intéressant, mais une situation presqu’alarmante sur terrain : les caféiers ont vieilli comme leurs producteurs, pas de taille de régénération ni d’entretien. « L’âge moyen des producteurs s’étend entre 55 et 60 ans. L’âge moyen des caféiers se situe entre 35 et 50 ans. Comme il n’y a pas de taille de régénération ni d’entretien, la productivité est faible », éclaire Ivan Godfroid. Ce qui fait craindre pour l’avenir de la filière du café. L’offre du café arabica pourrait être très inférieure à la demande de plus en plus croissante : la demande croit de 2 à 3% par an, sans fléchir. Ce potentiel attractif du marché mondial crée un engouement pour augmenter la production. « D’où, insiste Ivan Godfroid, il faut appuyer la plantation des jeunes caféiers en rendant disponibles les plantules de qualité. »

Produire les plantules avec les organisations paysannes

La première approche a consisté en la production des plantules en collaboration étroite avec les organisations paysannes. « Premier défi : comment produire 3 millions de plantules de qualité ? Principes suivis : identification participative des variétés préférées par les fermiers (4 variétés : Rumangabo, Riuru 11, Blue Mountain et Clone), tous les frais pour produire les plantules sont couverts par le projet. Une plantule coûte au projet 47 franc congolais (en 2014). Les recettes issues de la vente des plantules renforceraient l’autonomie financière des organisations », révèle le directeur régional de VECO RDCongo.

Réalisations : 47 pépinières des organisations paysannes appuyées, 2 millions de plantules produites. « Relativement peu de plantules vendues à crédit ou cash, relativement beaucoup de plantules invendues (conflit avec distribution gratuite par les autres ONG, gouvernement, entreprises et/ou attentisme, méfiance). Le gouvernement provincial a cru que la meilleure façon de relancer la filière est de faire une distribution gratuite des plantules. Aussi, certaines entreprises distribuent gratuitement des plantules pour lier les producteurs auxdites entreprises, pour empêcher les producteurs de miser sur d’autres entreprises. Parfois, il y a un certain attentisme des producteurs. La méfiance aussi des producteurs qui se demandent si, en achetant des plantules de telle organisation paysanne, ils ne seraient pas liés d’une certaine façon à cette organisation dans une logique d’agenda caché », constate Ivan.

Nouveau paradigme : pépinière-entreprise

De la pépinière-projet, on peut tirer un certain nombre de constats. « D’abord, la mévente des plantules. Dans ce sens, l’offre n’a pas créé sa demande. Ensuite, l’approche projet est peu durable. Ici, les organisations paysannes impliquées se sont contentées de leur survie en négligeant l’impulsion commerciale. En même temps, on a vu que les pépiniéristes privés (non touchés par le projet) ont pourtant pu écouler leurs plantules », détaille le directeur régional de VECO RDCongo.

D’où, nouveau paradigme depuis 2016. « Les caféiculteurs ont la capacité d’acheter les plantules. Les donner gratuitement ne les valorise pas. Nous appuyons les pépinières commerciales en co-investissant avec les micro-entrepreneurs. Nous nous attelons à harmoniser les approches de production et vente des plantules de caféier entre acteurs pour éviter les conflits d’approche. Un caféier peut générer au moins 130 dollars durant ses 30 ans de production. Il vaut l’investissement », déclare Ivan Godfroid.

« Ainsi, poursuit-il, le point de départ est la demande réelle en plantules identifiée par chaque pépiniériste en termes de commandes. Nous avons co-investi avec les entrepreneurs pépiniéristes. Nous avons procédé à la sélection et au renforcement des capacités des meilleurs pépiniéristes avec une institution tierce, en l’occurrence l’université catholique du graben, UCG, de Butembo. Les pépiniéristes ont été formés à la maîtrise des coûts de production et les avons outillés aux notions de marketing.» Dans ce sens, l’on note plusieurs réalisations : identification et sélection (demande effective en plantules, expérience et engagement) des 26 meilleurs pépiniéristes au cours de la phase test, formation (technique et gestion) de 26 pépiniéristes par les enseignants de l’UCG, évaluation des apports des pépiniéristes et détermination des besoins en appui, accompagnement de ces pépiniéristes par VECO et UCG.

Des formations appropriées pour les pépiniéristes

Les participants ont été formés sur plusieurs aspects agronomiques concernant la conduite d’une pépinière : multiplication du caféier (multiplication par graine ou multiplication générative et multiplication par bouture ou multiplication végétative), sélection qualitative (traitement) de la semence du caféier et d’autres cultures, conduite de la pépinière en général en commençant par le germoir jusqu’à la livraison des plantules aux clients.

Côté gestion d’une pépinière, les pépiniéristes ont été outillés sur les aspects économiques. C’est notamment la tenue des documents de gestion tels que le cahier d’inventaire, le cahier des dépenses, le cahier de stock, le cahier de vente, le cahier d’activités diverses. Au 30 septembre 2016, la demande en plantules se chiffrait à 515 955 dont 93 299 pour le territoire de Beni, le reste étant pour le territoire de Lubero. Les chiffres sont en hausse : la demande cumulée au 31 décembre 2016 est de 672 123 plantules. L’enregistrement (par les pépiniéristes) des demandes en plantules continue.

« L’approche commerciale veut que l’on parte toujours de la demande. Il faut du temps pour changer de mentalité et de ne plus commettre les erreurs du passé. Il faut co-investir pour un ‘ownership’ manifeste. La production est progressive suivant les milieux. Le défi d’une probable concurrence avec les distributeurs des plantules gratuits reste. Il y a un réel besoin de fédérer les pépiniéristes et installer un système de garantie/solidarité locale », argumente Ivan Godfroid, directeur régional de VECO RDCongo, avant d’ajouter que « les activités conçues sur une base commerciale sont plus durables » et que « la phase de vérification des hypothèses est en cours ».