Le regard académique de Cécile sur la riziculture à Bapere

Le regard académique de Cécile sur la riziculture à Bapere

21/10/2019
Merveille Saliboko
Merveille Saliboko
Communications Officer & Journalist in DR Congo

Dans son mémoire présenté en vue de l’obtention du titre de licenciée en comptabilité à l’institut supérieur de commerce, ISC Butembo, Cécile Sikuhimbire, comptable régionale de Rikolto en RDCongo, passe au crible la riziculture dans le secteur de Bapere où œuvre la jeune coopérative Mchele Bora.

« Performance du marché et production du riz en secteur de Bapere : défis et perspectives ». 92 pages, dont voici les bonnes feuilles.

Constats

Près de 80% des riziculteurs exploitent moins d’un hectare. Coté production, elle oscille entre 700 et 900 kilogrammes de paddy à l’hectare.

Un autre constat est qu’au moins 60% des producteurs louent les terres utilisées pour la riziculture et plus de 95% des riziculteurs financent leurs exploitations par les fonds propres. Selon la chercheuse, « l’incertitude de prix observée dans la commercialisation du riz empêche tout recours aux prêts, remboursables souvent à court terme ».

En effet, rappelle Cécile, « le niveau du prix est un élément majeur en secteur de Bapere car il permet aux riziculteurs d’opérer un choix entre vendre maintenant ou stocker. Souvent, le choix de stocker l’emporte lors de la campagne agricole. Les riziculteurs stockent alors leur paddy pendant 3 à 9 mois à la suite du faible prix et de l’absence de marché solvable. Un prix de 91$ le sac de paddy stimulerait les riziculteurs à libérer la totalité de leur produit sur le marché. A contrario, le prix de 26$ favorise l’autoconsommation ».

Par rapport à l’appartenance à une organisation, 45% de riziculteurs enquêtés sont membres de la Coopérative Mchele Bora. Leur espoir ? « Bénéficier de crédits agricoles et vendre leur riz à un bon prix », soutient Cécile.

Rendement faible

Sikuhimbire dresse un tableau peu reluisant : « En termes de rendement, la riziculture en secteur de Bapere dégage un revenu de 585,6$ par hectare avec une charge de 419,1$ soit une marge de 166,5$. Cette marge couvre 14,9% des besoins des ménages de riziculteurs. Cela, alors que la riziculture prend 54,7% du temps des riziculteurs chaque année, soit 197 jours sur 360 jours de l’année. Pour cela, si aucune innovation n’est faite sur la filière riz, la contribution de la riziculture restera faible dans la réduction de la pauvreté en secteur de Bapere ». On est donc loin de l’hypothèse de départ de la chercheuse. Cécile, en effet, postulait que la riziculture est leur principal pourvoyeur des ressources des exploitants à plus de 80% et qu’elle permet de couvrir au moins 60% de leurs besoins ménagers.

Déforestation

La technique de culture sur brûlis utilisée dans le processus de production du riz en secteur de Bapere est dévastatrice. A en croire la chercheuse, cette technique conduit à l’abandon des terres proches et stimule la recherche d’autres terres lointaines. « Ce qui exige plus d’une heure de marche pour atteindre les champs et 6 heures pour atteindre le marché de Butembo à moto, 2 heures pour celui de Manguredjipa. Ainsi, la riziculture devient un des facteurs majeurs de la déforestation du secteur de Bapere », explique Cécile.

Marché et prix rémunérateur

Sikuhimbire énonce : « Sur le plan commercial, plusieurs marchés existent en secteur de Bapere : Kambau, Liboyo, Njiapanda, Biambwe et Manguredjipa. Ce dernier est le plus grand marché du secteur mais n’est pas solvable. Pour cela, les riziculteurs sont contraints de recourir au marché de Butembo. Sur ce dernier, le prix et la qualité sont deux facteurs qui dictent l’achat du riz. Or, le prix du riz du secteur de Bapere est supérieur à tous les autres riz disponibles sur le marché local. Cette situation s’explique par le fait que la demande de ce riz frais dépasse l’offre à cause du faible rendement à l’hectare et le cycle long de semence utilisée».

Butembo: la destination finale

Cécile poursuit : «Sur le plan de la performance, 25 kg de riz asiatique coûtent 19,5$, ce qui est moins cher que les autres riz -congolais- coûtant 22,5$, moins cher que le prix de riz du secteur de Bapere coûtant 23,5$. En termes de marge, un sac de 100 kg de riz du secteur de Bapere laisse une marge de 5,8$ soit 6,1% du prix de vente alors que pour les autres riz, la marge est de 6,8$ soit 7,6%. Avec ce prix élevé sur le marché, le riz du secteur de Bapere reste moins compétitif. » Sa compétitivité, soutient Cécile, dépend de son niveau de prix de vente et de sa qualité.

La coopérative, bouée de sauvetage ?

Pour cela, espère Sikuhimbire, « l’adhésion des producteurs à la Coopérative Mchele Bora, déjà installée à Njiapanda constituera un contrepoids aux commerçants intermédiaires qui achètent le paddy à un prix bas, puis recherchent le marché dans les grands centres de consommation avec possibilité de fournir le riz sans rupture de stock ».

« L’accès au marché permettra aux producteurs d’investir dans des mesures agro-écologiques pour récupérer toutes les terres abandonnées et y pratiquer l’agriculture pérenne, et rechercher la compétitivité non seulement sur le prix à travers la réduction des coûts de production et de transport par tonne, mais surtout par l’amélioration de la qualité. Ce qui, dans le futur, placera le riz du secteur de Bapere sur la table des ménages de la ville de Butembo et environ et les riziculteurs seront gagnants », conclut Cécile, optimiste.