Les CEP au service de la dynamique paysanne

Les CEP au service de la dynamique paysanne

30/08/2021

Rikolto en RDCongo, dans le cadre du projet intégré de croissance agricole dans les grands-lacs, PICAGL, a expérimenté l’approche CEP dans les bassins de production. L’intérêt de cette recherche paysanne réside dans son output : trouver des solutions aux difficultés rencontrées. Son avantage particulier est qu’il s’agit de solutions trouvées ensemble avec les producteurs si pas découvert par eux-mêmes.

Par: Arsène Nyangezi, agronome basé à Sebele

La vulgarisation constitue un des piliers essentiels du développement agricole. Les programmes de recherche agricole qui se concentrent essentiellement sur la génération de nouvelles technologies resteraient sans fondement s’ils ne pouvaient s’appuyer sur les apports du service de vulgarisation. Ce dernier, en effet, répand aux agriculteurs les solutions nouvelles trouvées à leurs problèmes.

Le CEP et sa valeur ajoutée

Néanmoins, l’efficacité de la vulgarisation dépend des stratégies de vulgarisation utilisées. Le champ-école paysan, CEP, est une des méthodes de vulgarisation basée sur le « learning by doing ». C’est un cadre de rencontre et de formation. Un lieu d’échange d’expériences et de connaissances où un groupe de 25 producteurs qui partagent les mêmes intérêts, recherchent, discutent et prennent des décisions sur la gestion d’un champ en partant de sa situation réelle. Elle se déroule dans un champ, tout au long d’une saison culturale.

Le CEP est une source des nouvelles connaissances. Il donne également l’opportunité d’échange d’expériences entre les différents membres du groupe, ce qui permet à chacun des producteurs de s’approprier les nouvelles connaissances acquises et d’améliorer la situation de sa ferme.

Ce qui a été fait par Rikolto au Sud-Kivu et au Tanganyika

Depuis le mois de mai 2019, Rikolto en RDCongo vulgarise deux nouvelles technologies d’amélioration de la production rizicole à travers des champs-écoles paysans : le système de riziculture intensive (SRI) et la gestion intégrée de la fertilité du sol (GIFS). Au total, 330 CEP ont été installés dans les deux provinces du Sud-Kivu et du Tanganyika. Cela dans le souci d’améliorer le rendement et la production du riz produit localement, améliorer le revenu des ménages agricoles et réduire la dépendance alimentaire.

Au Sud-Kivu, 250 CEP ont été installés au courant de l’année 2019 dont 10 CEP à Nyangezi, 156 dans la plaine de la Ruzizi et 84 dans la plaine côtière de la Kenya à Fizi. Ces 250 CEP regroupent 7.687 riziculteurs dont 247 à Nyangezi, 5.340 dans la plaine de la Ruzizi et 2.100 à Fizi. Au Tanganyika, 80 CEP ont été installés au courant de l’année 2019 dont 27 CEP à Rugumba-Tabac Congo, 27 à Rugumba-Rugo et 26 à Kabimba. Ces 80 CEP regroupent 2000 riziculteurs.

Dimensions économiques

Le CEP est pour les paysans producteurs un cadre de renforcement du dynamisme social et économique. Les producteurs ont été initiés à la formation des groupes, associations et coopératives avec des comités directionnels de manière à assurer la production et la gestion collective des récoltes, la vente groupée de la production et l’achat groupé d’intrants. C’est le cas de COAGRDF à Sebele, en territoire de Fizi, une organisation découlant d’un ensemble des CEP réunis et se proposant des objectifs communs.

Aspect social

Le fait de travailler ensemble pendant toute une saison de culture a permis aux groupes d’agriculteurs réunis en CEP de nouer des relations de solidarité. Ces groupes de solidarité interviennent non seulement sur le plan agricole (travaux d’ensemble « esalé », ouverture des canaux d’irrigation, érection d’un barrage…) mais aussi sur le plan social (visite d’un membre malade, gestion des conflits…). Ce qui permet de renforcer leur capital social au sein du milieu.

Défis

Le grand défi rencontré premièrement dans la mise en place des CEP est celui de la gestion de l’eau. Il n’y a aucun aménagement réalisé dans les bas-fonds (Fizi). Et là où il en existe, ces aménagements ne sont pas entretenus (plaine de la Ruzizi).

Le deuxième grand défi est l’attitude attentiste des paysans producteurs. En effet, le fait d’avoir bénéficié depuis très longtemps des projets d’urgence (prenant en charge toute dépense) a conduit de nombreux riziculteurs à développer une certaine « mentalité d’assisté ». La situation a été telle que plusieurs producteurs peinent à s’adapter aux projets de développement durable.

Dimensions environnementales

À travers les CEP, les groupes d’agriculteurs ont conduit les champs sous la riziculture durable en appliquant de la matière organique au champ. Ce qui réduit le recours aux engrais minéraux. Ils ont conduit les CEP en respectant les doses recommandées d’engrais et en recourant aux biopesticides en lieu et place des produits chimiques. Ils l’ont aussi fait en évitant de bruler ou d’assurer une décomposition anaérobique (dans l’eau) des résidus de récolte. Au lieu de cela, les riziculteurs ont collecté les résidus de récolte dans une zone non inondée pour assurer une décomposition aérobique. Ils ont même expérimenté des méthodes biologiques pour modifier les systèmes des pièges d’oiseaux lors du gardiennage.