Le premier samedi de juillet 2017, la ville de Butembo a célébré la journée internationale des coopératives pour la première fois. Une célébration sous le thème de l’inclusion dans les coopératives : il y a une relation positive entre l’état général de la démocratie et la performance des coopératives.
Les coopératives, alternative crédible aux entreprises capitalistes
Les coopératives, alternative crédible aux entreprises capitalistes
1er juillet 2017. Salle des conférences du syndicat de défense des intérêts paysans, SYDIP, en ville de Butembo. Une centaine de personnes d’horizons divers se réunissent pour célébrer la 93ième journée internationale des coopératives. Benjamin Paluku Matungulu, président du conseil d’administration de la coopérative centrale du Kivu, COOCENKI, accueille ses hôtes au nom du comité d’organisation : « C’est une joie immense de vous voir répondre au rendez-vous des coopérateurs. Nous sommes ici pour tirer les leçons, lors du débat, pour améliorer l’inclusion dans les différentes coopératives ».
Sur quoi embraye Théodore Sikuly’Uvasaka Makala, maire de ville : « C’est un réel plaisir de prendre la parole en ce jour. Je me réjouis personnellement et encourage l’initiative d’organiser cette journée pour la première fois à Butembo, ce qui concourt à la réduction de la pauvrété dans mon entité. Je suis convaincu que, de cette séance jailliront des idées nouvelles. Je souhaite qu’à la sortie de la salle nous fassions du thème d’inclusion une réalité ».
La participation est-elle effective ? Les services rendus aux membres sont-ils satisfaisants ? Bref, qu’en est-il de l’adhésion volontaire et libre ? La démocratie est-elle effective dans les coopératives de la région ? Chaque membre participe-t-il aux aspects économiques de sa coopérative ? Les questions se succèdent avant les exposés des uns et des autres.
Coopératives, force économique
« En 2017, il y a près de un million quatre cents mille coopératives au monde entier, pour près d’un milliard de membres. Elles fournissent du travail salarié à cent millions de personnes. C’est la source principale de revenus pour deux cents cinquante millions de personnes dans le monde. Les trois cents coopératives les plus grandes ont un chiffre d’affaires combiné de deux billions cinq cents milliards de dollars par an. Le Canada est champion du monde : une personne sur deux est membre d’une coopérative », égraine Ivan Godfroid, le directeur régional de VECO RDCongo, dans son exposé.
Les quatre dixièmes sont des coopératives d’assurance mutuelle. Les trois dixièmes sont des coopératives agricoles et d’agro-industrie. Deux dixièmes œuvrent dans le commerce du gros et du détail. Le reste est éparpillé dans divers secteurs : services bancaires, industrie, santé,… « Une force économique incroyable, ces coopératives ! », s’exclame Ivan. Le mouvement coopératif a une longue histoire et un grand impact. « Si les coopératives ont un impact, c’est parce que ce ne sont pas des organisations sans but lucratif (ONG), ce sont des organisations d’entraide entrepreneuriale », poursuit Ivan.
Une récente étude de l’alliance coopérative internationale, faite dans 33 pays, est assez révélatrice : « Démocratie zéro, peu de coopératives. Bon climat d’affaires, beaucoup de coopératives. Bonne gouvernance, performance coopérative ». Conclusion de cette étude : « Si l’Etat construit un environnement propice, les coopératives sont la meilleure forme d’entreprise pour créer l’emploi et protéger la démocratie de base ». Le directeur régional de VECO a une conviction : « Si un Etat comme la RDC fournit cet effort, il recevra beaucoup en retour. C’est une synergie qui se crée, s’intensifie, se renforce au bénéfice de tous ».
Inclusion dans les coopératives
En République démocratique du Congo, la coopérative est une entreprise commerciale. « Au Congo, plusieurs coopératives sont calquées sur les personnalités physiques. Des coopératives qui tournent autour des individus alors qu’elles ont le devoir d’éducation des membres », fustige Herman Kyavorogha, bourgmestre adjoint de la commune Kimemi, avant de poursuivre : «En RDC, nous sommes revenus à la case de départ. Les maux de la révolution industrielle sont vivaces au Congo. L’Etat est un grand acteur en termes de partenariat ».
« A Butembo, il y a confusion des coopératives migrant vers les ONG avec des objectifs des coopératives. L’image que je retiens de ces coopératives ? Organisations avec projets humanitaires, vivant des cotisations des membres et des financements des bailleurs des fonds », pointe Clémentine Kahambu Muhalyo, responsable du service de développement rural en ville de Butembo, parlant des différences entre coopératives et d’autres organisations. « Ou bien on est une coopérative, ou bien une ONG pour être traité comme tel, s’énerve Herman Kyavorogha. D’un autre point de vue, il faut comprendre la situation que traverse le pays car l’Etat est un acteur principal. L’Etat doit adoucir sa réglementation fiscale. »
Quand on passe le micro dans le public, les gens pointent du doigt les nombreuses tracasseries. Réponse d’Herman Kyavorogha : « La tracasserie-là, c’est des cas isolés. C’est seulement 4 services qui sont habilités à traiter avec les coopératives. C’est comme si il n’y a pas d’emploi au pays, ce qui fait que les services accourent vers les coopératives sans en avoir qualité ». « Pourquoi les tracasseries ? C’est presque normal quand les organisations ajoutent à leur portefeuille tout un tas d’activités. Il faut une spécialisation », tonne pour sa part Clémentine Kahambu Muhalyo.
« Le rôle de la population dans tout ça ? Elle doit s’organiser, demander au parlement de revoir et moderniser la législation avec une loi fiscale adaptée. Exemple : une jeune coopérative avec une perte de six mille dollars pour un chiffre d’affaires de quarante mille, l’Etat congolais prélève une taxe de 10% sur le chiffre d’affaires, quand il ne trouve pas de bénéfice. Le déficit se creuse ainsi davantage et la survie de la coopérative est menacée , constate Ivan Godfroid, directeur régional de VECO RDCongo, alors que l’Etat pourrait mettre en place une politique d’encouragement à l’émergence des coopératives, y compris une exonération des taxes aussi longtemps que le seuil de rentabilité n’est pas dépassé, comme cela se fait dans d’autres pays. »
Goûter aux coopératives
L’audience n’a pas seulement pu goûter à la philosophie des coopératives pendant les présentations et les débats. Dans une demi-douzaine de stands érigés dans la rue à côté de la salle, les participants pouvaient aussi découvrir l’arôme des cafés, la rondeur des pommes de terre, la blancheur des cossettes de manioc, tous présentés par les coopératives du terroir, fières de leur savoir-faire.
Rendez-vous fut donné pour donner à la JIC 2018 encore plus de lueur… et de saveur.