La première fois que je descendais dans la plaine de la Ruzizi, province du Sud-Kivu, il y a de cela 11 ans, j’étais étonné d’entendre chaque riziculteur à qui je parlais répéter la même plainte : c’est dur d’être riziculteur, car nous n’avons pas de marché pour notre riz. J’avais du mal à comprendre : à une distance entre 60 et 130 km des rizières est située la ville de Bukavu, avec plus d’un million d’habitants. Est-ce que ces citadins ne mangent donc pas de riz ? Une enquête rapide en ville montrait le contraire : des dizaines de milliers de tonnes sont importées chaque année. Et les producteurs disent qu’il n’y pas de marché ?
Il s’est avéré que la réalité était un peu différente : il n’y avait pas de marché pour le riz tel qu’ils le produisaient. Seulement la brasserie Bralima achetait le riz, car eux ils ont seulement besoin d’hydrates de carbone pour la fermentation. La première chose qu’ils font, c’est moudre le riz avant de l’ajouter aux cuves. Mais le riz que les producteurs de la plaine parvenaient à vendre aux consommateurs, ne faisait que susciter des frustrations : des graines mal décortiquées, trop de brindilles ou de particules de balle de riz, des brisures en grande quantité, ou pire encore, des grains de sable ou des petits cailloux, qui sont destructeurs pour les dentures. Pas étonnant que le consommateur de Bukavu, interrogé sur son appréciation du riz congolais, utilisait des adjectifs hyper-sévères pour décrire ses mésaventures gastronomiques.