Rushendeka Kamanyula, le riziculteur-modèle à Kiliba

Rushendeka Kamanyula, le riziculteur-modèle à Kiliba

08/09/2021

Il est né en 1952, a commencé la riziculture en 1998 : Rushendeka Kamanyula est cet « élève-modèle » devenu riziculteur de référence dans sa communauté à Kiliba, territoire d’Uvira, province du Sud-Kivu dans l’Est de la République démocratique du Congo. Cela, grâce au Programme intégré de croissance agricole dans les grands-lacs, PICAGL, financé par la Banque mondiale et mis en œuvre par Rikolto en RDCongo dans la filière riz.

Par : Nsibula Ntale Conseil, agronome basé à Kiliba

« Un élève ne dépasse jamais son enseignant mais un élève appliqué sera comme son enseignant », dit-on. Depuis mai 2019, j’ai commencé à travailler à Kiliba, dans le territoire d’Uvira. J’y ai d’abord fait l’étude du terrain et la sensibilisation de la communauté-cible (les riziculteurs) dans le but de former des champs-écoles paysans, CEP. Un CEP regroupe 20 à 25 riziculteurs qui se rencontrent autour d’un champ, durant toute la saison d’étude. Le groupe est appuyé par un facilitateur paysan qui a pour rôle de créer les opportunités d’apprentissage par l’expérience, par diffusion des technologies prédéfinies.

Dans les CEP de Kiliba, les riziculteurs cultivaient ensemble un champ qui était subdivisé en parcelles où on installait différentes technologies ou pratiques. Entre autres technologies comparées, il y a la gestion intégrée de la fertilité du sol, GIFS, le système de riziculture intensive, SRI, et la pratique paysanne (PP) avec la variété locale et celle améliorée. À chaque session hebdomadaire des CEP, se faisait une analyse agroécosystème lorsque les cultures étaient déjà mises en place. L'analyse agroécosystèmes est un suivi régulier et systématique sur terrain et la pratique d'évaluation, employée dans les CEP. Les méthodes du CEP sont fondées sur l’apprentissage par l’expérience, centrées sur l’apprenant et basées sur les principes de l’éducation non formelle des adultes.

Sensibiliser avant tout

La sensibilisation sur l’approche CEP a touché les riziculteurs membres et non-membres des organisations paysannes sans distinction, en vue de faire participer un grand nombre de riziculteurs à l’apprentissage. Depuis, j’ai été en contact permanent avec eux sur terrain.

Au cours de mes sensibilisations, j’ai eu à rencontrer plusieurs groupes et différentes catégories de riziculteurs. Mais parmi les nombreux riziculteurs que j’ai rencontrés et accompagnés, un seul a particulièrement attiré mon attention beaucoup plus que les autres : Rushendeka Kamanyula. L’élément le plus remarquable chez lui, c’est sa capacité de persuasion et sa façon d’anticiper.

Monsieur Rushendeka était déjà président du bloc G périmètre rizicole de Butaho à Kiliba quand il a été élu président du CEP Buguma en 2019. Ce CEP regroupe 25 riziculteurs, tous d’un même périmètre rizicole. Je les ai rencontrés dans leur périmètre rizicole. Je les ai sensibilisés. Ils ont accepté que je puisse travailler avec eux. Monsieur Kamanyula a donné son champ de 0,08 hectare. Ce champ nous a servi de « tableau ».

Adoption de la GIFS

Ensemble, nous avons installé la GIFS, le SRI et la PP avec la variété locale et améliorée. Deux mois après le repiquage des plants et après avoir effectué ensemble quelques analyses agro-écosystème, surtout encouragé par l’évolution des plantules dans ce champ-école que tout le monde considérait comme infertile, Kamanyula a décidé d’adopter la GIFS dans son champ de 0,48 hectare. Il n’avait, pourtant, pas encore vu les résultats des pratiques installées dans le CEP. Mais il s’appliquait à dupliquer textuellement chez lui ce qu’on faisait au CEP.

« Qui est Rushendeka Kamanyula ? », me demanderez-vous. Né à Kiliba en 1952, Rushendeka est un riziculteur congolais, père de 8 enfants. Il a commencé la riziculture en 1998. 2019 est l’année au cours de laquelle il a participé à un projet de développement. Vous l’avez compris, c’est avec Rikolto en RDCongo. Au cours de la même année, je vous le disais déjà, il a adopté la technologie GIFS. Les résultats sur son champ ne se sont pas faits attendre : une grande production, par rapport aux années précédentes.

Déjà leader du milieu, il est devenu une personne de référence qui a influencé au cours des trois saisons culturales successives. Grâce à lui et aux résultats obtenus dans son champ, une cinquantaine de riziculteurs membres des CEPs, aussi une trentaine de riziculteurs initialement non touchés par les CEPs, ont adopté la GIFS. À ceux-là, il faut ajouter 6 personnes qui ont commencé à s’intéresser à la riziculture. Les riziculteurs qui n’ont pas participé au processus CEP et les nouveaux riziculteurs, monsieur Kamanyula les accompagne par un appui-conseil et technique. Ce qui leur permet aussi d’atteindre de bons résultats, à en croire les témoignages des uns et des autres.

Des récoltes de riz qui changent la vie !

Je vois venir une question : « Quel est le changement qui s’est effectué dans la vie de Kamanyula au cours de ces trois saisons culturales d’adoption de la GIFS ? » Notre riziculteur modèle a d’abord exploité un champ de 0,48 hectare. Outre le ménage de l’agriculteur composé de dix personnes, quatre travailleurs saisonniers et un travailleur permanent se sont attelé à la culture du riz. La production obtenue sur la période de récolte de septembre 2019 à janvier 2020 s’élève à 2,8 tonnes de paddy. L’autoconsommation représente 1,3% de la production. La vente à 0,35USD/kg a rapporté au ménage 967,3 USD. Ce qui est 1,83 fois ses revenus annuels habituels avant le PICAGL.

Rushendeka est ensuite passé à la vitesse supérieure. La production obtenue sur la période de récolte de mars à juillet 2020, sur l’exploitation de 0,91 hectare s’élève à 5,92 tonnes de paddy. L’autoconsommation représente 0,6% de la production. La vente à 0,35USD/kg a rapporté au ménage 2059 USD. Cela représente 3,9 fois ses revenus annuels habituels avant le PICAGL.

Grâce aux revenus tirés de la production de deux saisons d’adoption, le riziculteur modèle a acheté une vache laitière. Il a payé des tôles pour sa nouvelle maison. Il a payé les frais académiques de ses enfants étudiant à Bukavu, le chef-lieu de la province situé à 106 kilomètres de Kiliba. Rushendeka a aussi augmenté son exploitation rizicole, qui est passée de 0,48 hectare à 0,91 hectare.

Les bons résultats font des riziculteurs heureux. Rushendeka représente l’un des exemples de changement de ce que fait Rikolto sur terrain avec les producteurs familiaux congolais en termes d’augmentation qualitative et quantitative de leur production pour améliorer leur vie.