Les cacaoculteurs de l’Ituri se positionnent sur le marché du cacao de spécialité

Les cacaoculteurs de l’Ituri se positionnent sur le marché du cacao de spécialité

Allier la production d’un cacao de qualité avec conservation de la biodiversité.
Rikolto va œuvrer aux côtés d’au moins 700 producteurs, réunis dans la coopérative cacao Okapi, pour relever les défis qui se trouvent sur la route menant à l’amélioration de la qualité
Ndegho Mukomerwa
Coordinateur du programme café et cacao en Ituri
Ndegho Mukomerwa

Mambasa est l’un des territoires les plus vastes de la République démocratique du Congo. Il pleut abondamment et les routes, non entretenues, sont des casse-têtes pour l’évacuation des produits champêtres. Ce territoire est couvert par la forêt équatoriale que les agriculteurs coupent allègrement pour emblaver des nouveaux champs, de cacao notamment. Mais le territoire de Mambasa n’est pas très connu pour son cacao. Ce sont plutôt les groupes armés qui ont fait connaitre ce territoire, notamment en tuant un animal endémique et protégé dans la région : l’okapi, espèce phare de la réserve de faune à okapis.

Notre modèle de vraies coopératives dans la filière café, respectant scrupuleusement tous les principes coopératifs, commence à être recopié aussi par d’autres acteurs dans l’Est de la République démocratique du Congo, ce qui ne fait que confirmer la pertinence de notre approche. Bien plus, d’autres filières s’y intéressent et c’est ainsi qu’une organisation de cacao du territoire de Mambasa en Ituri nous a invité à développer avec eux une approche de centres de fermentation et de séchage de cacao, inspirée des micro-stations de lavage de café, mais reconfigurées pour le cacao.

C’est dans ce cadre qu’en 2017, Rikolto a conduit une étude en territoire de Mambasa. Cette étude montre que le potentiel de production de cacao dans ce territoire de la province de l’Ituri est énorme. La culture du cacao est la principale source des revenus des familles paysannes dans la région. Pourtant, la filière cacao dans le territoire de Mambasa ne rapporte pas beaucoup aux cacaoculteurs. Pourrait-on dire que la filière n’est pas organisée ? Les acteurs sur terrain se concentrent uniquement à augmenter les volumes de production de cacao, ne fournissant presque pas d’efforts dans l’amélioration de la qualité.

Pourtant, dans la filière café arabica par exemple, notre expérience a montré que les paysans obtiennent des meilleurs revenus si l’attention est tournée avant tout vers la qualité, la quantité venant en second lieu. La filière fait face à de nombreux défis et le cacao est vendu à des prix dérisoires par manque de qualité et de structuration. « Le maillon agriculteur est le moteur de la filière. C’est ce maillon qui rend disponible la matière première. Il faut un appui conséquent à ce maillon afin de produire du cacao en qualité et en quantité », reconnait l’administrateur du territoire de Mambasa.

Rikolto va œuvrer aux côtés d’au moins 700 (sept cents) producteurs de cacao, réunis dans la coopérative cacao Okapi, pour relever les défis qui se trouvent sur la route menant à l’amélioration de la qualité. Avec World Conservation Society, qui œuvre à la conservation de l’okapi, nous comptons allier production d’un cacao de qualité avec conservation de la biodiversité. La route menant à la professionnalisation des cacaoculteurs étant longue, nous sommes ouverts à tout partenariat avec les acteurs intéressés par le bien-être des familles des producteurs de cacao.

Défis

Pas de traitement centralisé, pas de cacao homogène

« Les planteurs faisaient le traitement chez eux, d’une façon individuelle. Ce qui fait que l’on n’atteigne pas un cacao homogène. Parce que chacun le traite à sa manière et selon son emploi du temps, la qualité n’était pas bonne »

Charles Kambale Kivalotwa Directeur-gérant de la coopérative Cacao Okapi.

Faible qualité du cacao, prix dérisoires. La qualité du cacao est faible, avant comme après la récolte. Le marché n’est organisé que pour le volume. Conséquence : les cacaoculteurs peinent à vivre des maigres ressources tirées de la filière. « Il y a un problème de marché. Les producteurs engagent des moyens pour produire mais en comparant les prix payés aux dépenses engagées, ils se retrouvent souvent avec un déficit. Il leur faut un marché qui va rémunérer décemment leurs efforts. Car la situation actuelle décourage certains cultivateurs de cacao et ils pourraient abandonner cette culture. J’en ai vu qui se convertissent dans les cultures vivrières », continue Charles.

Prix dérisoires, désintéressement des jeunes, filière non durable à la longue. « Actuellement, les planteurs sont des personnes du troisième âge. Les jeunes ne sont pas intéressés par l’agriculture car il n’y a pas d’accompagnement. Si les jeunes ne sont pas impliqués dans l’agriculture, la filière n’est pas durable. C’est un échec qui se prépare car les vieux vont disparaître et avec eux la filière. Sauf si les jeunes prennent la relève », poursuit Charles Kivalotwa.

Pratiques ne respectant pas les normes environnementales. La cacaoculture, dans le territoire de Mambasa, pousse les agriculteurs à couper la foret pour emblaver de nouveaux champs. Ce qui a pour conséquence de menacer la biodiversité du milieu, notamment la réserve à faune à okapis.

Manque d’accès au crédit. Les cacaoculteurs n’ont pas accès au crédit faute de garanties et sont donc exclus du circuit financier congolais.

Manque de contrats pour exporter le cacao. Les cacaoculteurs congolais n’exportent pas leur cacao. Ils vendent leur récolte aux intermédiaires qui leur proposent des prix bas.

Nos stratégies

Structuration des cacaoculteurs en coopérative. Les cacaoculteurs, à travers leur coopérative, vont tisser des relations d’affaires avec les acheteurs de cacao fin dans le monde.Le 1er octobre 2019, à l’occasion de la journée internationale du café-cacao, une coopérative a vu le jour en territoire de Mambasa. La coopérative est enregistrée légalement.

• Nous avons conduit des essais d’amélioration de la qualité, en suivant le protocole mis en place par l’entreprise partenaire ZOTO. Les résultats ont été immédiats. Kilimamwenza et Mayuwano ont obtenu des scores excellents. « Ces deux dernières années, nous avons atteint 88% comme score de qualité du cacao provenant des expérimentations, lui conférant l’appellation cacao de spécialité. Cela nous pousse à aller de l’avant, pour mettre en place des infrastructures de traitement de cacao de qualité supérieure. C’est vraiment une nouvelle approche », dixit le directeur-gérant de la coopérative cacao Okapi.

• Nous introduisons de bonnes pratiques agricoles qui visent à réduire les effets négatifs sur l’environnement (sol, eau, pesticides, …). Les formations visent à augmenter le rendement au niveau du champ et diminuer la pression sur la forêt. En conciliant la cacaoculture avec la conservation de la biodiversité, la filière s’en trouvera remodelée. « Grâce à la formation, les producteurs pourront nous amener du bon cacao à partir des récoltes.. Car le traitement commence au champ. Le producteur devra être capable de trier les bonnes cabosses, faire la taille régulière des cacaoyers, contrôler les différentes maladies, trier les bonnes cabosses pour ainsi augmenter le rendement, le volume requis pour le cacao et la qualité. C’est très important que les producteurs fassent un bon entretien de leurs champs pour avoir le bon calibre de cacao », s’enthousiasme Charles Kivalotwa.

Co-construction des centres de fermentation et de séchage. Rikolto va co-investir avec les agriculteurs pour mettre en place 22 centres de fermentation et de séchage de cacao. Le traitement standardisé et centralisé du cacao donnera un produit homogène. Surtout, c’est la voie royale pour produire du cacao de spécialité pour obtenir des prix rémunérant la qualité. Le directeur-gérant de la coopérative cacao Okapi lance un message : « Rikolto est en train de mobiliser des fonds pour la co-construction des centres de fermentation et de séchage de cacao. (les parts sociales des producteurs constituent la moitié du coût de construction d’un centre). Il faudrait que plusieurs partenaires puissent appuyer cette initiative. Aujourd’hui, nous avons le projet de construire 22 centres de fermentation et de séchage dans la zone. Mais les moyens disponibles jusque-là vont permettre de construire seulement 4 centres. Vu le potentiel de production dans la zone, il faut bien plus. C’est un grand défi. J’en appelle aux partenaires privés et publics intéressés par la filière d’appuyer l’initiative. Car, avec l’appropriation de cette culture, si appui des partenaires il y a, alors nous allons améliorer les conditions socio-économiques d’un grand nombre de petits producteurs. »

Nous connectons les cacaoculteurs aux acheteurs internationaux du cacao de spécialité. En octobre 2019, la coopérative cacao Okapi a participé au Salon du chocolat de Paris, en France, où se côtoient les cacaos de qualité supérieure. « Un grand merci à Rikolto et à ses bailleurs de fonds Alimento et Vivace, pour nous avoir facilité et financé le voyage. Le même remerciement à ZOTO. Sans eux, les petits producteurs de cacao de Mambasa ne seraient pas connus sur l’échelle internationale. Aujourd’hui, c’est une fierté pour le Congo. Notre cacao a attiré l’attention de beaucoup de chocolatiers. Petits comme grands chocolatiers ont été intéressés par notre cacao. Nous avons échangé avec une vingtaine d’entre eux, des relations d’affaires en perspective », dit Charles, enthousiaste.

Connecter les cacaoculteurs avec les institutions financières pour l’accès au crédit. Collecter les cabosses de cacao et les traiter pour en faire un cacao de qualité supérieure demande des moyens financiers importants que seules les parts sociales des cacaoculteurs ne peuvent pas couvrir.

Résultats jusque-là atteints

  • Mise en place et enregistrement légal d’une coopérative. Le 1er octobre 2019, à l’occasion de la journée internationale du café-cacao, une coopérative a vu le jour en territoire de Mambasa: la coopérative cacao Okapi. La coopérative est enregistrée légalement.

  • Participation aux salons internationaux du chocolat et mise en relation avec les acheteurs de cacao. En octobre 2019, la coopérative Cacao Okapi a participé au Salon du chocolat de Paris, en France, où se côtoient les cacaos de qualité supérieure. « Un grand merci à Rikolto et à ses bailleurs de fonds Alimento et Vivace, pour nous avoir facilité et financé le voyage. Le même remerciement à ZOTO. Sans eux, les petits producteurs de cacao de Mambasa ne seraient pas connus sur l’échelle internationale. Aujourd’hui, c’est une fierté pour le Congo. Notre cacao a attiré l’attention de beaucoup de chocolatiers. Petits comme grands chocolatiers ont été intéressés par notre cacao. Nous avons échangé avec une vingtaine d’entre eux, des relations d’affaires en perspective », dit Charles, enthousiaste.

Ndegho Mukomerwa
Ndegho Mukomerwa
Coffee and cocoa programme coordinator in Ituri